Le 10 mars, nous quittions Louang Namtha pour Luang Prabang. Un trajet de 300km; temps prévue : entre 8 et 12 heures.
Notre autobus rose, datant sûrement des années 60 et qui a dû avoir avalé beaucoup de km, attendait sagement de se remplir à pleine capacité. Nous sommes arrivés une heure avant le départ pour être certain d’avoir un siège. En attendant le départ, nous avons fait une petite prière, espérant que nos sacs ne tomberaient pas du toit ou ne se ferait pas mouiller. Notre valeureux équipage s’affairait à sécuriser les nombreux bagages sur le toit de l’autobus.
Question de s’assurer qu’aucun siège n’était laissé vacant, notre chauffeur à prit des passagers qui attendaient sagement sur le bord de la route. Si l’on était inquiet pour nos sacs, on s’est vite rendu compte que 2 sacs à dos, c’était de la petite bière. Qu’est-ce qu’un sac-à-dos à côté d’un scooter, d’un vélo, des 2X4, des outils et de poches de riz? Hop les bagages sur le toit et hop on redémarre. J’étais épatée par la rapidité que l’on mettait à se remettre en route. Quelques minutes après qu’un nouveau passager soit monté, je vois un pied apparaître du toit, puis une jambe et finalement le gars des bagages qui entre par une des fenêtres de l’autobus. Pourquoi perdre du temps à sécuriser les bagages avant de partir, quand on peut le faire en roulant? Tout ce temps-là on roulait comme si de rien n’était sur la route sinueuse. Le gars devait tenir ses orteils serrés pour ne pas perdre ses gougounes.
En tant que touriste, chaque arrêt vient avec son lot de questions; est-ce qu’on est arrivé? Est-ce qu’on débarque? Est-ce qu’on a le temps de manger? Faut-il manger maintenant ou au prochain arrêt? Des questions je m’en suis posée lorsque l’autobus s’est arrêté au sommet d’une montagne. Pas de bâtisse qui ressemble à un terminus, en fait, pas de bâtisse du tout, que du bois. Gentiment, les passagers débarquent et s’éparpillent dans les bois : c’était la pause pipi! J’ai compris l’avantage de la jupe (appelée sarong) porté par la majorité des femmes; ça permet de faire un squat sans montrer ses fesses à tout le monde. Je n’ai pas eu besoin de faire mes besoins dans les bois, mais Alexx, qui avait peur que l’autobus reparte sans lui avait trouvé un bon moyen : s’installer à l’avant, de façon à ce que le chauffeur puisse le voir!
La route que nous avons empruntée était en construction. Dans le plan de développement du Laos, la réfection des routes est la priorité numéro un. Revenez dans quelques années, je ne suis pas certaine que cette même route sera terminée. Concasser la roche et mélanger son ciment à bras; ça vous dirait? Ce sont les moyens ici. Je n’ai vu aucune machinerie. C’est pauvre bien sûr, mais ça marche parce que les tronçons qui sont terminés sont très bien faits. Et comme le Laos n’est pas très populeux, les ouvriers doivent construire leur camp de fortune aux abords du chantier. Une toile de plastique et quatre piquets; et voilà! Est-ce que chez-nous on peut vraiment se plaindre de nos conditions de travail? Tout ça me fait mettre les choses en perspectives et je me dis que par chez-nous on se plaint pour peu, mais surtout qu’on oublie que dans ce monde; nous sommes les privilégiés. Facile à dire quand on est confronté au mode de vie des autres. Est-ce que je m’en souviendrais de retour dans mon confort canadien?
Parfois, le chauffeur à dû faire valser l’autobus quand la route était trop étroite pour croiser un gros camion ou un autre autobus. Autobus rose dit au gros camion : Je vais reculer un peu, me tasser un peu, les trois autres voitures derrières toi aussi, puis toi avance, tasse la grosse roche qui te bloque le passage, ok doucement, et ça y est on passe tout les deux sans accrochage. Pour nous c’est une expérience culturelle, pour eux; c’est un simple trajet en autobus!
Un trajet d’autobus c’est comme une collection d’images, un peu comme film. Un groupe d’enfants qui reviennent de l’école, leur sac en bandoulière, ce petit enfant habillé d’un gros chandail, mais pas de bobette, pas de pantalons et pas de bas, ces trois dames, visiblement complices d’une bonne blague, en train de faire leur toilette au point d’eau du village, situé sur le bord de la route, les fermiers en train de brûler leurs champs, les travailleurs de la construction regroupés dans le caniveau pour manger un bol de soupe, le regard de certains, fixé sur l’autobus (peut-être était-ce la première fois qu’ils en voyaient un?) et puis cet arbre à fleurs blanches tout seul au milieu de la montagne sèche…c’était magnifique! C’était simplement un trajet en autobus sur les routes du Laos!
