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Erase una vez... "Un voyage se passe de motifs." N. Bouvier

Patagoni'a dedo

ARGENTINA | Wednesday, 6 March 2013 | Views [521]

Ushuaia, 14 janvier

Notre auberge, Torre al sur, nous offre une vue imprenable sur la petite ville accrochée au canal Beagle. Le fameux, celui qui a ébloui les yeux d'un jeune Darwin aux idées colonialistes bien ancrées conduit par le Capitaine Fitz Roy.

L'histoire de Darwin en terre de feu est par ailleurs très intéressante, je vous la résume en 2 mots? Bon, en gros pour coloniser ces terres hostiles, les anglais (vous allez reconnaitre la pate subtile de notre meilleur ennemi) lors de leur premier voyage ont ramené en Angleterre des enfants yamana (les indiens locaux, non ce n'est pas la marque de moto...) pour les éduquer à l'anglaise et les réinsérer plus tard dans leurs familles. Il faut se replacer dans le contexte de l'époque : on est dans les années 1850, pleine révolution industrielle, le siècle des vitesses, de la machine à vapeur, des avancées scientifiques et surtout médicales. Bref, l'homme civilisé pense sérieusement être supérieur biologiquement aux sauvages des terres encore vierges.  Lors de leur second voyage, Fitz Roy et Darwin vont donc tenter d'implanter des missions anglaises pour coloniser les indiens avec comme clé de réussite la réintroduction dans leurs familles des jeunes enfants enlevés lors du premier voyage et devenus grands maintenant.

Je vous passe les détails des enfants qui ne parlent maintenant plus leur langue maternelle ni vraiment l'anglais, des constructions de maisons et de potagers, des donations d'outils et vêtements aux tribus, etc. Fitz Roy et Darwin laisseront la mission s'installer et partiront un an naviguer les eaux de terre de feu pour faire les grandes découvertes de l'époque (glaciers, flore sauvage, etc.). Il est important de préciser qu'à ce moment de l'histoire, les relations entre les anglais et les yamana ne sont pas mauvaises. En revenant un an plus tard, il ne reste rien de la mission. Les indiens ont repris leur mode de vie, seule quelques traces du passage anglais persiste, un chapeau sur une tête, une robe, une pioche, les ruines de la maison, les pommes de terres et les choux qui malgré le désinterêt qu'on leur a montré n'ont pas renoncé à pousser. C'est alors que Darwin affronte une déception qui le fera réfléchir longtemps sur la classification de l'espèce humaine. Les indiens ne semblent pas inférieurs aux occidentaux puisque ceux-ci n'ont pas réussi à les civiliser.

Ca vous a plu? Bon on pourrait parler d'autres région avec des colons autre qu'anglais, mais on avait dit 2 mots sur Darwin!

C'est donc à Ushuaia que l'on va comprendre que la Patagonie c'est cher. Rien à voir avec les récits épiques antérieurs, oui la poésie c'est bien mais ça nourrit pas! :-) On passera 2 jours très sympas dans notre auberge, la visite de la ville, une ancienne prison transformée en musée, la rencontre innattendue et salvatrice de la femme du Consul de France dans la rue (on avait besoin de trouver le consulat pour récupérer ma carte bleue), le musée des yamana, les 2 filles françaises qui nous apprendront à faire une petite cuisine de camping avec une cannette de coca (très efficace) et enfin Graciela, qui nous accueillera plus tard chez elle à Buenos Aires.

Après ces 2 jours plein d'informations et d'indécisions, on se lance, c'est parti, finance oblige et curiosité impose, on part en stop.

Ushuaia, 16 janvier, 13h

Après une dernière visite, les bagages sur le dos, c'est parti, on va se placer sur la route en direction de Rio Grande. C'est l'objectif de la journée. Ca ne fait pas une grande distance mais c'est le premier jour, on s'essaye.

Tout commence avec un petit vieux qui nous emmène dans son camion pour chevaux seulement jusqu'à la sortie de la ville. C'est déjà bien! Il n'aime pas les yankee (USA) mais les jolies filles françaises, ça a l'air d'aller! On aura attendu 5 min ce premier véhicule.

On enchaine à la sortie de ville à côté du contrôle de police avec un transporteur de gravats pour des travaux dans la ville. Il va à Tolhuin, c'est toujours pas Rio Grande mais on s'en rapproche. Temps d'attente 10 min.

Il nous pose donc sur la route, en face de la station service de Tolhuin. On marche jusqu'à un croisement qui représente la sortie de la ville, toujours à côté du contrôle de police. Faut dire que les flics sont charmants ici, ils nous conseillent sur les meilleurs lieux et horaires pour que les voitures s'arrêtent, c'est plutôt cool. Alors après 15 min d'attente, une peugeot 207 coupée sport blanche s'arrête. Deux potes quarantenaires nous emmènent à toute allure jusqu'à Rio Grande! Oui, parfois faire du stop c'est mieux que prendre le bus! lol Eux ils sont vraiment drôles, le chauffeur est le plus sympa, il est concessionaire de voiture entre autres. Il va nous enmmener dans ses bureaux et va même nous offrir une de leurs agence encore innocupée pour l'instant mais tout de même équipée d'un PC avec internet, d'une douche et d'une cuisine. Nous y "plantons" la tente pour une nuit! Le lendemain matin (il est prince) il nous emmène à la sortie de la ville pour attraper notre prochain transport. Nous on laisse le portable d'Aurore en souvenir dans les bureaux vides...

Rio Grande, 17 janvier, 9h30

Il y a du vent, beaucoup de vent. On a mis sur nous tous nos pulls, notre coupe-vent, notre boina, je ne sais pas si les automobilistes nous voient encore. Il est près de 10h, on attend depuis 20 min environ. C'est pas encore beaucoup, mais attendre sans savoir c'est pas pareil qu'attendre en sachant que quelqu'un va s'arrêter. Alors à chaque voiture on sourit au maximum et on leur parle, on leur raconte qu'on a des biscuits fait maison, qu'on a de la conversation, qu'on est sympas, qu'on ferait pas de mal à une mouche, qu'on est cultivées et polies aussi! Ce qui est marrant sur la route c'est qu'il y a des gens qui font des aller-retours toute la journée pour transporter des trucs ou la police par exemple. Eux on les aura vu plein de fois et ils nous font coucou à chaque fois. Les gens sont plutôt communicatifs en général et même s'ils ne nous prennent pas, il nous font un petit signe compatissant. A l'exception des vieux en voiture récente style berling, on sent dans leur visage que ça les saoule ces jeunes fauchés au bord de la route qui profitent de la générosité des gens honnêtes qui travaillent pour se payer ce qu'ils ont. Sans compter la peur. Parce que finalement, faire du stop c'est rentrer dans le regard des gens et donc un peu dans la sphère sécurisante que représente la voiture pour son conducteur. C'est interpeler quelqu'un qui n'a rien demandé et s'inviter dans un univers qui est le sien. Cette même personne qui va se retrouver face à elle même avec un dilemne finalement psychologiquement important : "si je les prends je sais pas sur qui je tombe, si je les prends pas je culpabilise de pas rendre service, et puis merde pourquoi moi?". Tout ça parce qu'on n'a pas voulu prendre le bus!

Mais finalement, c'est comme un entretien d'embauche, faut les rassurer, leur montrer par toute notre attitude, faciale, corporelle que nous on va pas leur voler leur iphone (déjà qu'on sait pas comment ça marche!) et que oui ça va bien se passer! Et ça finit par marcher, après 20-25 minutes d'attente, un camionneur s'arrête! Et c'est parti!

Il est très sympa, va jusqu'à Buenos Aires (c'est notre destination finale mais on veut faire des étapes en chemin) et nous emmène jusqu'à Rio Gallegos. Un point sur les routiers? Ouais, il est temps de valoriser la profession et de casser les mythes des camionneurs violeurs!

Les routiers sont les conducteurs les plus sympas et les plus sérieux avec les auto-stopeurs. N'importe quel flic vous le dira. Les mecs sont en train de bosser, donc s'ils ont des problèmes ils sont dans la merde! Ils roulent tranquilles, connaissent tous les coins sympas, sont de très bons conseil sur la route en général. Voilà c'était la parenthèse, le routier vaut la peine d'être aimé! ;-)

On arrive donc à Rio Gallegos en fin de journée pour y passer la nuit.

Rio Gallegos, 18 janvier, 11h

Il fait beau, on a fait le plein d'empanadas qui ont l'air goûtues, l'auberge était à 5 min du "poste" d'auto-stop, nos gros sacs sur le dos on arrive, on pose l'attirail, une voiture s'arrête. On part pour 30 km rejoindre le poste de police de sortie de ville sur la fin de la voie rapide qui contourne la ville. C'est parti, Aurore était pas encore complètement arrivée lorsque je mettais mon sac dans le coffre!

Au poste de police un truc magique va se passer, on ne va pas faire de stop, c'est le policier qui arrête toutes les voitures pour les contrôler qui va demander pour nous si le chauffeur veut bien nous emmener! Elle est pas belle la vie! Non, les flics ici sont vraiment sympas! Et donc c'est très efficace, la première voiture à laquelle l'officier demande sera notre véhicule jusqu'à Puerto San Julián. Le chauffeur est un ancien flic lui même et il poussera même la gentillesse en s'arrêtant nous faire visiter une pisciculture sur la route. Un coin très chouette qui représente un peu l'oasis de la Patagonie puisque c'est le seul point vert de toute la route grâce à la présence de 2 rivières. Il sera donc notre guide touristique et garde rapprochée (bah oui tout le monde se fait pas escorter par la police...)! Il parle pas beaucoup, mais on aura quand même bien rigolé et vu nos premiers ñandues (genres d'autruches).

Puerto San Julián, 19 janvier

Maintenant qu'on sait que le stop se passe bien et vu qu'il nous reste du temps, on a décidé de rester ici 2 jours au camping. La petite ville est très charmante, la camping est en face de l'océan, et on ira voir nos premiers pingouins! Après avoir laissé passer plusieurs occasions, on se lance, la visite était cool, on a vu les drôles d'oiseaux sur la plage se dorer la pilule, dans leur nid, en train de muer (c'est moche pour tout le monde l'adolescence...), monter la colline de galets (un pingouin qui marche c'est pas facile!), la guide était très intéressante et savait de quoi elle parlait! On vous le conseille.

Caleta Olivia, 20 janvier

Après s'être fait déposer à une station service par un couple de français très sympas dans la matinée, on commence à faire du stop. Ou plutôt, on pose nos sacs, il fait beau et chaud, on lève le pouce, un pick-up s'arrête. Alors celui-là, il vaut le détour. Il est routier dans la vie et là il rentre du mariage de son cousin. Il a donc fait la fête tout le week-end et est fatigué! Il nous explique, l'agneau à la broche, les couverts et tout le matos à aller chercher avec sa voiture parce qu'elle a de la place, la semaine de boulot, blablabla. Il est mort, il parle pour pas dormir, il ouvre la fenêtre, il boit de l'eau toute les 2 sec et avant dans la conversation il m'a demandé si j'avais le permis.

Etant mieux placée pour voir les signes clairs de fatigue, je lui dit " si vous voulez, je peux vous aider à conduire sur une partie du trajet si vous êtes vraiment fatigué. Je comprendrais que vous ne vouliez pas parce que vous ne me connaissez pas mais si ça peut vous aider..." Ni une ni deux le mec n'attendait que ça, il s'arrête et me donne le volant pour quasiment le reste du trajet! La blague non! :-) L'auto-stoppeur qui emmène le chauffeur! C'était juste trop drôle, le mec a pas arrêté de me remercier, tellement soulagé de pas avoir à conduire pendant quelques temps. J'ai donc conduit 150 km en pick-up dans la Patagonie désertique sous l'oeil attentif d'Aurore qui a alluciné au début! Tout s'est bien passé, à Caleta Olivia le propriétaire de la voiture nous a emmené sur une plage pour voir des lions de mer puis on a trouvé une auberge pas trop cher, on s'est baladé et reposé.

Península Valdes, 21 janvier

Au petit matin on part de Caleta Olivia, après une demi heure de marche, on rejoint la sortie de la ville. En arrivant au rond-point, un mec nous emmène au contrôle de police un peu plus bas qui marque vraiment la sortie de la ville et où on aura plus de chance. C'est parti pour une nouvelle journée de soleil et de véhicules en tout genre. Au poste de police on pose nos affaires par terre, je lève le pouce, un combi s'arrête, Aurore dit que c'est pas pour nous, mais si si c'est bien pour nous! On monte et on se retrouve plongées dans l'ambiance "évangélistes en campagne"! Dieu nous accompagne! lol C'était impossible de faire tous ces km en stop sans tomber sur des évangélistes, y en a partout! Ils nous présentent donc leur association et aujourd'hui ils vont à Comodoro Rivadavia pour faire du porte à porte et distribuer des prospectus aux feux rouges. Le nombre de fois où on aura voulu nous convertir au catholicisme pendant le voyage, on les compte plus! Mais il était cool ce trajet et puis moi je les aime bien tous ces petits fidèles qui viennent avec de la foi plein les yeux me demander si je crois en la théorie de l'évolution. Dieu doit détester Darwin. On a quand même bien rigolé surtout quand les filles avec qui je parlais ont compris que je parlais 3 langues et voulaient m'entendre dans les trois comme une machine sur laquelle on presse un bouton. C'était trop drôle! On repart avec un prospectus, un petit cadre en carton avec une peinture faite par les enfants qu'ils accueillent et la bibliographie de leur leader espagnol.

A Comodoro il nous laisse à la station service de la sortie de la ville. Et là c'est l'apothéose. Aurore attend avec les bagages au bord de la route pendant que je vais nous acheter un truc à manger à la station. Quand je sors de la station, Aurore n'a toujours pas levé le pouce, un camion est en train de s'arrêter. Je lui dit de courir voir le chauffaur, elle me répond que c'est pas pour nous, qu'elle a pas levé le pouce. Le chauffeur klaxonne 2 fois avant qu'elle veuille bien croire que c'est pour nous! lol Voilà, ça, c'est l'effet Aurore en débardeur sur le bord de la route, avec elle le stop c'est facile , les argentins aiment bien son style a priori! ;-)

On est parties pour la península Valdes. Le chauffeur est un amour. Sûrement celui avec lequel on a le plus échangé, les chromosomes ont bien accroché, les styles se correspondaient, le type d'humour aussi! Il a failli me proposer de conduire le camion juste pour essayer sur 1 ou 2 km! J'ai pas osé dire oui, mais en y repensant j'aurais du... Une occasion pareille se représentera pas tout de suite! Aurore était morte de rire. Bah oui, imaginez Lucie toute petite au volant de ce gros camion!

Il nous laissera à l'entrée de la Península Valdes. Là on a eu un petit moment de doute. En effet aucune voiture ne passait sur notre route... Le plan était de dormir à Puerto Pirámides, premier village de la péninsule. Au bout d'une dizaine de minutes une voiture arrive, on y a mis tout notre coeur, tout notre sourire (ne sachant pas quand se présenterait la prochaine opportunité) et ça a marché! On embarque pour une demi heure de voiture avec un ancien flic direction Puerto Pirámides.

Península Valdes, 22 janvier

La península Valdes c'est un lieu magique classé à l'Unesco parce qu'on peut y voir des baleines, des éléphants de mer, des pingouins, des orques qui s'échouent sur les plages, des lions de mer... Le paradis des amoureux de la nature. Enfin, quand c'est la saison! Nous on savait qu'on était pas trop dans la saison, on nous a aussi prévenu que ça risquait d'être décevant, mais c'est pas grave, on y va! L'entrée est chère mais bon passons. Ensuite pour aller sur les sites voir les animaux il faut sa propre voiture ou payer un bus touristique, cher aussi. Alors on tente le tout pour le tout, on part en stop!

C'est pas simple comme endroit, il n'y a que des touristes très peu intéressés par des stoppeurs ou dont les voitures sont pleines... Par chance un boulanger nous emmène de la sortie de notre village jusqu'à la route qui va en direction des sites touristiques. Là on attendra 5 min et un camion chargé d'approvisionner les camps de gardes parcs en pétrole s'arrête pour nous emmener. Il n'a pas le droit normalement, mais il est sympa! En arrivant au site on est accueillies par une garde parc mal lunée qui nous engueule en nous demandant comment on va faire pour repartir maintenant, et qu'il est interdit de faire du camping sauvage et bla bla bla. Finalement en lui montrant qu'on n'a pas de tente mais juste un petit sac pour la journée, qu'il est tôt, qu'on va retourner au camping, en lui souriant et en lui faisant même une petite blague, elle finit par craquer et esquisse un sourire! On s'approche de la plage, on observe des lions de mer et même plusieurs accouchements! Par contre pas d'éléphants de mer, pas d'orques non plus, pas de baleines, bon on s'en doutait... On commence même à désespérer de pouvoir atteindre d'autres sites en stop...

Mais tout va s'arranger grâce à une famille de porteños (c'est ceux qui viennent de Buenos Aires), ils sont 3 dans leur voiture et au moment où ils allaient repartir, j'ai rassemblé tout mon courage sous l'oeil plein d'espoir d'Aurore, j'ai tapé à leur vitre et j'ai commencé mon plaidoyer: "s'il vous plait on est sympas et on a de la conversation et on est cultivées et on est polies et on veut bien partager les frais d'essence mais s'il vous plait, emmenez nous avec vous!" Ca a marché.

On est donc parties avec la petite famille, on a visité un second site où il y avait des pingouins puis on est retournées à Puerto Pirámides. Au fil du trajet, en faisant connaissance l'ambiance est vraiment devenue cool. Quel culot! :-)

Une nuit de plus à Puerto Pirámides avant de prendre le bus pour Puerto Madryn. Un petit saut dans l'eau, la plage en fin de journée s'était vidée, le soleil lui donnait un charme calme avec sa petite lumière d'astre qui se couche. On signait aussi la fin de l'aventure en auto-stop, c'est vrai que ça demande pas mal d'énergie. Demain à Puerto Madryn, on prendra le bus.

Tags: carnet de voyage

 

 

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