Jaén, 7 aout, 17h
Nous y sommes en terre péruvienne! Le passage de la frontière s'est bien déroulé et on choisit de faire escale dans une ville sans prétention qui va nous séduire très rapidement. Il fait beau, chaud, il y a des glaces et des salades de fruits qui ravissent les papilles d'Aurore, les gens sont très accueillants et les paysages de rizières magnifiques.
Une rizière de Jaén, 8 aout, 16h
On a fait un bon petit tour de la ville et voilà le meilleur moment, après avoir demandé aux vendeurs de phytos et autres produits agricoles s'ils connaissaient un cultivateur de riz qui pourrait nous montrer ses champs et nous expliquer le mode de culture, nous sommes au milieu du champs d'un des vendeurs qui va nous faire un tour du propriétaire en bon et due forme! On sait tout sur le riz! ;-) Popoche un petit message... te souviens-tu cet exposé que nous avions fait il y a fort longtemps? eh bien je pense que je n'avais pas bien compris notre présentation!
Il nous a même montré ses plantations de cacao et nous sommes reparties avec 500gr de cacao pur et quelques fruits dans le sac. Pour les remercier, on les a invité à diner, l'égalité des sexes qui refrappe (notez bien, les termes sont choisis, on en reparlera) ils refusent catégoriquement qu'on paye. On aura quand même gouté le cochon d'inde (c'est fameux) et la Cuzqueña brune, première bière d'un cru local que je trouve particulièrement goutue (et Aurore abonde en mon sens, elle qui n'est pas férue de la liqueur fermentée)!
Nous rentrons fatiguées mais la tête pleine, demain cap sur Chachapoyas ou José-Luis (un couch surfeur) nous attend pour un week-end inimaginable.
Chachapoyas, 10 août, 15h
Nous sommes arrivées hier dans cette petite ville très mignonne où Chicho (José Luis) nous a accueilli. A peine arrivées, nous voila parties pour faire la fête (ce sont les fêtes patronales de la ville)et suivre Chicho dans ses aventures (il a 3 boulots : avocat, adjoint au maire et chef d'une agence de tourisme, il vit donc à 100 à l'heure, on s'est bien demandé comment il faisait pour concilier tout ca et sa vie de famille - il vient aussi d'avoir un bébé...). Après une bonne soirée, aujourd'hui, dodo et petite journée de visite de la ville. Ce soir on part pour El Progreso, village de la famille de sa femme où nous attend un weekend de folie pour les fêtes patronales.
El Progreso, 11 août, 3h du matin
Nous sommes arrivées à minuit et hop, direction la fête du village qui bat son plein. On observe un peu la fête, on voudrait se faire discrètes mais on détonne vraiment, tout le monde nous regarde... On finit par s'y faire et comprendre le fonctionnement des festivités : ici on danse à deux, les hommes invitent les filles qui attendent assises au bord de la piste. Ceux qui ne dansent pas boivent de la bière (devinez qui paye), on achète des grandes bouteilles (parfois des caisses de 12) qu'on pose au sol, tout le monde se met autour et on fait passer la bouteille et un verre qu'on remplit et qu'on boit à tour de rôle. C'est la première fois qu'on voit ça, c'est étonnant.
Au fil de la soirée, deux choses se dessinent : les péruviens sont sous le charme de Lucie, ils tentent leur chance à tour de rôle, veulent se marier avec elle et ne la laissent pas se reposer une seule minute (j'ai les photos de la plupart des prétendants, pas toujours bons danseurs d'ailleurs) pendant que je reste plus à discuter avec les buveurs de bière, qui n'arrêtent pas de me proposer à boire (une autre technique?). On réussit à s'éclipser avec la femme de Chicho vers 3h du matin. Ouf, un peu de repos bien mérité...surtout que ca recommence demain soir!
El Progreso, 11 août, 6h30
Tarataratara!!! Une trompette, bientôt suivie par l'ensemble de la fanfare salue l'arrivée du soleil devant notre porte... On apprécie, mais il faut bien avouer qu'on aurait bien aimer dormir un peu plus. Enfin, on profite de la musique locale et de la fraicheur du matin pour voir les alentours. Joli, mais quand est-ce qu'on dort?
Quelques heures plus tard...
Après un petit dej' conséquent (une grande tasse de café (mais très léger) et un énorme plat de riz avec un oeuf au plat et des bananes grillées) préparé au feu de bois (petit aperçu de la cuisine : au feu de bois, les murs noirs de suie avec de la viande et du poisson séché posé sur les étagères - absence de frigo oblige-), nous voilà parties avec une ribambelle de sept gamins à la rivière en contrebas pour faire trempette (et se doucher, car pas de douche ni de toilettes là où nous habitons). Ils sont trop mignons, fiers de nous montrer leur coin et en adoration devant mon appereil photo qui fait des rafales de leurs plongeons... On les a adoré nous aussi, et on passera beaucoup de temps avec eux pendant le weekend : on leur a appris des jeux, et Lucie s'est éclaté à jouer au foot (avec les garçons) et au volley (avec les filles, attention on ne mélange pas!).
Kuelap, 15 août, 11h
Nous y sommes, plus de 3h de
"marche" disons souffrance à en voir nos teints rouge! 1000m de dénivelé
et quelques 9 km nous ont amené à un site (une ruine disons le!)
pré-colombienne. Tellement pré-colombienne que ces vielles pierres datent
de l'époque pré-Incas. Wohhaaa! Comment on le sait? Les maisons sont
rondes alors que les Incas les faisaient carrées, ah, ça calme! Une
légende raconte qu'il s'agissait d'un groupe d'ariens installés sur cette
colline et que les gens étaient tous blonds aux yeux bleus. Un biologiste
nous a dit que c'était faux, qu'il s'agissait juste du peuple le plus
clair de peau de la région mais pas nécessairement blanc.
Kuelap, c'est
aussi notre premier lama et des os dans les murs de la forteresse.
Forteresse qui, soit dit en passant, n'en est pas une puisqu'elle ne peut
pas résister à un siège (il n'y a pas de point d'eau).
Cajamarca, 16 août, 23h
Nous voilà donc a Cajamarca pour quelques jours où nous tenterons de nous reposer. C'est pourquoi nous assistons a un concert de rock avec notre couch surfeur (Israël) dans une boite qui s'appelle la gruta. Rassurez vous, ça ne durera pas, un règlement de compte avec la mairie, faute d'extincteur aux normes, ou un truc futile du genre, ils ont viré tout le monde à 1h du matin!
On en profitera pour rentrer, le concert était sympa, mais on sort de 5 jours de fête, il est bien temps de bouquiner un peu!
Cajamarca, 17 août, 23h
Après avoir gouté les fameux produits laitiers de Cajamarca (on adore : enfin du yaourt et des fromages différents que tout le monde peut se payer), on explore un peu la ville.
On devait donc boire un verre vers 18h avec Israël et un autre couch surfeur et nous voilà donc en pleine soirée dans le bar du pote de notre ami couch surfeur (Herbert ça simplifira la suite). Une nouvelle soirée donc tout à fait calme et sereine! Une bière à la main, le sourire aux lèvres et les poches sous les yeux je rêvasse discrètement de temps à autre d'une tisane, d'un bouquin et d'une couverture sur les genoux...
Cajamarca, 18 août, 16h
On s'est plutôt bien intégré au groupe d'amis super sympas d'Herbert et nous voilà donc sur le toit de la maison d'une de ses amis en plein barbeuque! Oui on a cru que ce serait un repas dominical sans conséquence... Nous resterons jusqu'à minuit avec eux à boire et refaire tout un monde musical. A chacun son tour en blind test sur tous les styles. C'était une super journée. Vraiment mémorable!
A Cajamarca, on n'aura donc pas visité de sites touristiques grandioses, mais on aura fait de chouettes rencontres et surtout, on aura appris bien des choses sur les mines d'or!
Tout commence avec le fait qu'il y a un projet en cours nommé Conga et la population locale y est fermement opposée, utilisant l'argument de la protection de l'environnement et notemment de l'eau. Alors c'est parti, un brin de culture.
L'activité minière représente à elle seule environ 30% du PIB du Perú. Une entreprise minière dégage un bénefice sur investissement annuel d'environ 80% (du dit investissement). Pour vous situer, une entreprise française actuellement en forme dégage environ 5%, à 10% elle est très forte et si elle délocalise (vive l'Europe de l'Est) elle pourra atteindre 20%. Nous nous accorderons donc pour dire que c'est énorme.
Autre point non négligeable, l'entreprise minière se doit de partager un bon pourcentage de ses bénefices avec ses employés. Il arrive donc très fréquemment qu'en fin d'année chaque employé de l'entreprise reçoive 10, 15 voire 18 fois son salaire mensuel. Ca donne envie hein! Et alors tout le monde devrait avoir envie de travailler dans les mines non?! Continuons. Cette répartition des bénefices ne s'appliquant qu'aux employés propres de l'entreprise n'est-ce pas, toute la main d'oeuvre ouvrière est donc employée en sous-traitance, ce qui fait qu'une poignée de gens se construisent de véritables fortunes mais pas les autres. Ce point est relativement important pour la suite, j'espère que vous notez!
Revenons à notre projet Conga.
Il s'agit d'un projet minier important, situé sur une montagne. Sur cette montagne on trouve 7 lagunes. Deux d'entre eux vont être vidés et déplacés (sur le papier) et la montagne sera ensuite rasée pour extraire l'or. Oui, les nouvelles mines se font à ciel ouvert, fini les conduits sombres qui s'écroulent, on décapote la montagne! lol
Donc la population utilise l'argument environemental accusant le fait que, si un jour le besoin se présente, ils ne pourront plus utiliser l'eau des 2 lacs pour la consommer. En gros. Sauf que cet argument n'est pas valable, et pour cause, les eaux des 2 lacs sont impropres à la consommation, elles contiennent trop de souffre si je ne m'abuse.
Alors pour ou contre la mine?
C'est pas fini.
Si on observe l'impact sur la population locale, oui petit ingénieur territorial, raconte moi l'impact sur la population locale!(je craque...)
Du point de vue du voisin de la mine qui en gros va être un agriculteur qui vit dans la montagne et à qui on offre très peu de services (route, électricité, eau, école... c'est loin d'être acquis pour tout le monde). On va donc lui acheter sa terre pour une bouchée de pain, la ruiner, la polluer et il ne pourra même pas prétendre à un poste d'ouvrier de la mine parce qu'il ne sera pas assez qualifié. Donc lui en gros il devrait plutôt être contre.
Ensuite si on descend dans la ville : qu'est ce qu'il se passe quand la mine arrive? Cajamarca héberge déjà un projet minier important donc c'est facile de voir le résultat. Une faille sociale relativement importante s'installe entre la part de la population qui a réussi à prétendre à un poste au sein de l'entreprise minière (et gagne donc une petite fortune chaque année) et les autres. De plus les entreprises de sous-traitance n'appliquent pas toutes le même tarif pour le travail des ouvriers. Selon l'entreprise et pour le même travail une personne peut gagner facilement du simple au double, voire au triple. La cohérence sociale est donc complètement détruite et les gens deviennent vite ennemis.
Mais le pire n'est pas ça. Le véritable fond du problème c'est le gouvernement régional. Cajamarca est la seconde région la plus riche du Perú (graces aux millions de dollars d'impots payés par les mines) et pourtant... Et pourtant les routes sont pourries, tout le monde est loin d'avoir accès à l'école et encore moins à un enseignement équivalent entre les villes et les campagnes. Le developpement général de la région est moins bon que l'ensemble du pays alors que la région à plus de ressources!
Mais où va tout cet argent?
Bon inutile de parler de la corruption tous les jours sur vos écrans de télé au journal de 20h. Il y a aussi d'autres incohérences que l'on peut relever. Par exemple il n'est pas rare qu'une commune choisisse d'investir dans un stade de foot de fou plutôt que dans des routes ou une école... Alors ça peut s'expliquer par plein de facteurs, dont le manque de compétences des gouverneurs (beau parleurs mais pas bons gestionnaires), le manque d'entreprises compétentes en infrastructure ou tout simplement le manque d'information et de communication pour que la population sache ce à quoi elle pourrait prétendre.
Le gouvernement local de la région de Cajamarca en tout cas n'utilise pas l'argent que lui rapporte la mine pour sa population et ça c'est un vrai problème. Surtout quand les entreprises d'extraction minière sont étrangères et que le bénéfice global ne reste donc de toutes façons pas au Perú.
Voilà pour l'histoire des mines, alors pour ou contre le projet Conga?