Santa Cruz de la Sierra, 5 novembre, 15h
Oui, nous avons un grand retard. On rentre tout juste de la selva, on y est resté 2 mois, nos premiers contacts avec la civilisation, l'asphalte, l'électricité et maintenant internet sont encore un peu frêles. Comme si tout n'était pas encore bien assimilé, le bebé de Leyla n'est toujours pas né (mais que fait-elle?), les Monnier vont bouger (woha!), les parents s'impatientent (Marion aussi faites le lien ;-), notre premier couch surfeur a (enfin) reçu le bouquin qu'on lui avait promis et qu'on a trimbalé 2 mois avant de le lui envoyer... Chaque chose en son temps! Mais tout arrive.
Alors on va reprendre où on en était tranquiiiilito no más! Me siguen pues?
Santa Cruz de la Sierra, 13 septembre, 11h
Nous voilà (por fin!) devant notre bus pour la selva! Après avoir attendu une semaine, le mélange d'excitation et de crainte est a son comble! La vieille carlingue va bravement nous mener au fil des pistes, creux, bosses, passages en eaux, dénivelés qui jonchent le chemin jusqu'à Picacho. Tout est vieux et déglingué, un siège sur deux s'incline, de la moitié inclinable qui reste chaque siège ou presque a son "petit truc" pour le faire fonctionner, le bus est plein, le toit plus que chargé, les chauffeurs/mécanos (véritables héros de la forêt qui ramènent chaque semaine des nouvelles et denrées de la civilisation) mastiquent leur coca. Le moteur branlant s'anime, on est parti.
Picacho, 14 septembre, 17h30
Deux jeunes nous accueillent à la descente du bus, nous marchons jusqu'à la ferme, Uschi et Maurus (les propriétaires) sont partis voir les vaches. Ivo est suisse, voyageur depuis quelques mois qui est arrivé là par hasard. Norina est suisse aussi, c'est la filleule d'Uschi, elle est arrivée il y a 1 semaine, sort du lycée et se prend un peu de temps. Uschi et Maurus arrivent, elle est suisse, il est allemand, ils sont arrivés là tous les 2 il y a 10 ans. Il fait déjà presque nuit, Uschi nous montre notre chambre, magnifique petite mezzanine d'une petite maison en construction (presque finie). La soirée sera courte, après la douche et le repas, une vraie nuit s'impose! L'ambiance est chaleureuse, on ne cerne pas tout l'agencement spatial loin de là, le repas excellent et le frigo définitivement absent.
Picacho, 15 septembre, 13h
Après un tour du propriétaire, quelques travaux mineurs et un bon repas (qui sera de coutume) on par tous à la laguna avec Sarita, la fille d'amis boliviens. Sans comprendre exactement comment fonctionnent les lieux on suit la petite troupe à travers un genre de steppe/pampa (arbres plutôt bas 3m maximum, clairsemés et la terre sableuse sèche qui accueille un petit pasto en saison des pluies). Puis on entre dans la forêt/monte, bois plus haut et plus dense, pour finalement arriver à une petite retenue d'eau au milieu de beaux rochers. L'eau est fraîche et il fait près de 36 degrés alors on en profite!
Le soir, pizza cuite au feu de bois, ça s'annonce bien!
Picacho, 17 septembre, 7h
Le travail commence. La journée type, 7h petit dej', 8h en piste, vers 13h déjeuner, sieste jusqu'à 16h et de nouveau au travail jusqu'à la nuit (18h30 environ).
Uschi est végetarienne, Maurus pas vraiment mais mange peu de viande. Et que produisent-ils? de la viande! C'est bon ça comme concept! Et ça fonctionne très bien, il faut situer un peu le contexte, les boliviens (pardon je devrais dire les cambas, on y reviendra) ne mangent pas ou très peu de légumes, sont donc très peu interressés pòur en acheter et par ailleurs, la terre sur laquelle Picacho est inplantée est sableuse et très pauvre et ne se prête pas vraiment au maraichage (ils ont bien essayé pendant plusieurs années de l'enrichir avec du compost et du fumier mais rien n'y fait...).
Cette terre qui ne produit pas de légumes, par contre, produit des maisons! C'est ainsi que commence notre mission rénovation, on mélange directement la terre à de l'eau, on obtient un genre de crépis et on a barbouillé une bonne partie des murs de la ferme! Imaginez mon bonheur au moment de mélanger eau et terre avec les pieds ;-) Bon ça fait un peu mal aux main à force mais ça rend bien! On vient d'apprendre en régie qu'une partie des photos de la carte SD d'Aurore sont définitivement innaccessibles dont celles de la selva, vous louperez donc ces grands moments de barbouillage, mais croyez nous c'était cool!
Cafetal, 20 septembre, 9h
Nous voilà devant l'école du village, prêts (ou pas!) à donner tous les 5 (Uschi, Norina, Ivo, Aurore et moi) deux cours d'anglais. Par chance, les 2 groupes ont sensiblement le même niveau, nul, malgré leur différence d'âge. Le premier groupe doit avoir une moyenne d'âge de 11 ans et le second 15 ans mais ils ont tous commencé en même temps, c'est-à-dire l'année dernière. Aujourd'hui nous allons apprendre les animaux! Et oui, nous avons donc tous les 5 hier au soir inventé un jeu de mémory avec des dessins designed by nosotros. Autant vous dire que c'est du gand art! Dans l'équipe un économiste, une ex-lycéenne, une prof agricultrice et 2 ingénieures, aucune qualité artistique ou caligraphique en tout cas c'est sur! Aurore a relevé le niveau considérablement, son côté paysagiste sans doute, elle fait des chats de toute beauté!
Dans la série animal rare, ici ils appellent "tigre", le léopard... Nous avons donc traduit léopard par tiger, faut pas qu'ils aillent en Angleterre ou aux Etats-Unis montrer les conneries qu'on leur apprend délibérément à l'école mais bon tout le monde était content! De plus il aurait été délicat d'entamer une révolution culturelle en anglais quand ils ont déjà du mal à dire mi namé iss (comprendre my name is).
Les cours d'anglais sont des grands moments, de solitude parfois, quand on arrive à la séquence mîmes et que tu dois faire le cochon ou le poisson... mais surtout de rigolade! Les élèves sont juste géniaux, toujours contents, ils répètent tout ce que tu leur demande de répéter en coeur, ils sont plein de bonne volonté et trop sympas. Franchement c'était classe! Et, et oui, ils adorent chanter! Par chance nous aussi... Nous chanterons donc Old Mc Donald had a farm avec eux une bonne dizaine de fois, mais pas à la vitesse normale parce que même nous on arrive pas suivre! Voyez le niveau...
Et c'est comme ça qu'on forme la jeunesse...
On se fait une séquence éducation nationale? ça vaut le coup.
Les enfants de moins de 5 ans apprennent les additions, les multiplications, les divisions, les os du corps humain par coeur. A la fin de ce premier cycle, appelé kinder (donc jardin d'enfants n'est-ce pas), il y a une grande fête avec remise des diplômes, on tue un cochon ou une vache, tout le village est invité et chaque étudiant reçoit (rappelons, enfant de 5 ans) une bague en argent avec gravé à l'intérieur l'année de sa promotion. Magique non? Reste assez flou qui paye la bague, les parents ou l'Etat. Toujours est-il qu'une nouvelle réforme d'Evo est de remettre le diplôme le dernier jour d'école et de ne pas l'associer à la fête. Après tout... ils n'ont que 5 ans!
Tout est bon pour faire la fête, on recommence à chaque fin de cycle. Ce qu'on n'a pas bien compris c'est ce qu'apprennent les élèves des autres cycles... Si à moins de 5 ans ils apprennent à compter, soyez surs que la grande majorité à 16 ans ne le sait plus, ou plus très bien. Le meilleur est arrivé un samedi que nous étions à Cafetal, invités comme des rois par Doña Feli et Don Vicente (2 personages incontournables que je ne manquerai pas de vous présenter juste après). Dans l'après-midi, nous jouions tranquillement aux cartes avec Norina, Aurore et Ivo. Le jeu s'appelle Ligretto, les points se comptent en positif et en négatif. Des boliviens d'environ 16-18 ans ont voulu jouer avec nous. Ce fut un grand grand grand moment! Les détails viendront plus tard, mais l'intéressant pour maintenant c'est quand on a essayé de leur expliquer qu'on pouvait compter en négatif, dessous du 0! Je pense qu'ils sont tous partis en se disant un truc du genre "putain les gringos ont vraiment des trucs bizarres, ils ont des chiffres en négatifs!".
Outre le fait de compter, nous avons écouté un prof parler d'oxydo-réduction à des enfants de 8 ans, 10 peut-être, sans grand préambule sur le fonctionnement de la chimie. Tout est décousu, tous les mots scientifiques ou compliqués apparaissent dans les bouquins ou les cours mais au final les notions ne sont pas expliqués. Les chapitres qui chez nous doivent durer un mois, ici une semaine facile, et personne ne comprend rien à ce qu'il se passe. C'est assez étrange. Après là on décrit ce qu'on a vu au fin fond du pays dans un village vraiment reculé, en ville c'est différent et de meilleure qualité.
Allez fin de la parenthèse éducation nationale, revenons à la réalité de Cafetal.
Après l'école on passe voir quelques personnes, l'infirmière pour le vaccin conte la fièvre jaune qui n'est toujours pas arrivé, la tienda local pour acheter quelques denrées, confiture de lait, savon, lait en poudre. Le panneau à l'entrée indique "hay tomates", fait rare, lorsqu'on demande il n'y en a plus (No hay, la réponse à laquelle il faudra le plus s'adapter). Ensuite on fait un tour chez Don Juan-Carlos qui devrait avoir des nouvelles du bateau. Le fameux bateau qui remonte le fleuve frontière entre la Bolivie et le Brésil, c'est un transport gratuit, descendre la rivière prend 5 jours et Ivo aimerait partir avec. Ca fait déjà 2 mois presque qu'il attend que le bateau passe, il devrait passer ce mois-ci, Don Juan-Carlos est formel, la empresa va a salir la semana próxima. Nous continuons donc notre route, Ivo est heureux et nous arrivons chez Doña Feli et Don Vicente.
Le meilleur couple du village sans doute! Il est español (ostia!) a 73 ans, un passé dans le maraichage en Espagne mais peu de contact avec les divers éléments de sa famille (plusieurs femme et enfants). Il est arrivé en Bolivie il y a quelques années à Cochabamba, a cherché une femme (Doña Feli) et s'est mis à cultiver. Doña Feli doit avoir la cinquantaine, un caractère bien trempé, originaire de Cochabamba, pure colla, elle a accepté Don Vicente certainement parce qu'il est espagnol et touche une retraite tous les mois mais pas par amour! Ils se sont mariés en une semaine je crois ou un truc comme ça.
Et au quotidien on sent l'amour! Ils passent leur temps à s'insulter, c'est ambiance. Par exemple un jour qu'ils s'engueulaient en allant pêcher (comprendre un jour normal) Doña Feli a jeté sa bague de mariage en or dans le fleuve en marque d'extrême colère. Chaque jeudi quand il y a cours d'anglais (une semaine sur 2) après les cours nous allons manger chez eux. C'est toujours les moments les plus épiques et les plus délicats de la semaine! Nous allons les voir car ils font des échanges avec Picacho, comme ils produisent des légumes et des fruits ça nous intéresse pas mal vu que peu de gens en produisent. De plus eux nécessitent des clients et comme ils détestent tous les autres habitants du village (pour quelques histoires de voisinage... des chevaux, chiens ou autres animaux appartenant aux voisins sont venus sur leur terrain ruiner leurs cultures, et, après avoir pris des mesures, parlé avec les propriétaires, implanté une clôture, ils ont finalement tué plusieurs des animaux vagabonds au fusil ou au poison selon... Dans la série animaux morts, leur 2 chats n'ont pas survécu aux frasques de "campeón" le poison (l'un par mégarde s'en est allé manger le plat destiné au chien vagabond et l'autre de manière intentionelle pour être monté sur la table de la cuisine et avoir entamé le fromage...)). Bref, ils ont décidé de ne rien vendre ou presque aux habitants du village... En contrepartie nous, on leur file des coups de mains ou d'autres produits.
Voilà pour le jeudi à Cafetal, nous rentrons, il fait nuit et frais, à l'arrière de la camionette tout est calme, le ciel étoilé est magnifique et le repos est mérité.
Picacho, 23 septembre, 8h
C'est notre jour de congé, on en profite donc pour dormir un peu plus longtemps jusqu'à 7h30 environ! On ne pouvait pas plus de toute façon entre l'habitude et le soleil qui donne excactement sur notre lit entre 7h-8h...
On fait la lessive un peu, on mange, et on part avec Maurus pour une ballade à cheval! Monter à cheval en Bolivie ça n'a rien à voir avec monter à cheval en France même pour ceux qui connaissent déjà le type western, ont déjà posé leurs fesses sur tout type de canassons et ont bourlingué un peu. Mais vraiment rien à voir. Peu importe ça nous a grave plu! Et dans un élan de dimache parfait, en rentrant on a joué au Skat (LE jeu de cartes Allemand par excellence) et on a fait des pizzas!
Les dimanches équestres avec Maurus deviendront coutume. Avec en prime un grand jeu taillé sur mesure pour Aurore "dis moi le nom de cette plante je te donne des minutes en plus de ballade" : moi je suis nulle, mais Aurore est trop forte!
Picacho, un jour de pleine lune (la notion du temps se complique)
C'est la plaine lune, nous allons donc poursuivre notre mission rénovation, abandonner la boue et commencer à couper des palmiers pour boucher les trous des toits! Oui, parce que la saison des pluies approche fortement et les toits montrent des signes de faiblesses. Le notre par exemple a de gros gros trous qui laisse passer toute la pluie au centre et nous a valu un lit trempé un jour de déluge!
Nous partons donc à 4 (Ivo, Maurus, Aurore et moi), dans la forêt pour couper de l'asaí. On nous avait parlé de l'asaí comme le fruit énergétique de la selva sur lequel les nouvelles boissons énergisantes europénnes s'appuient pour vendre. Nous on était pas au courant, c'était pas la saison des fruits, mais Maurus en a trouvé quand même ce qui a ravi Aurore! On a donc commencé par ouvrir un chemin à la machette dans la forêt (ça fait classe hein!) puis on est allé au pied des grands palmiers pour les faire tomber à la hache. Enfin on... Maurus et Ivo à la hache, nous on coupait les feuilles des troncs et les palmitos (les coeurs de palmiers connus en conserves chez nous, bah c'est le haut du tronc qu'il faut éplucher et couper ensuite). Et bah rien que couper tout ça c'est loin d'être simple.
On revient à Picacho la camionette entièrement couverte de feuilles, prêts pour faire les toits. On ne commencera que 2 jours plus tard par le bâtiment principal (cuisine et pièce de vie). C'est loin d'être simple de réparer, plus tard on travaillera sur un toit à faire entièrement, c'est beaucoup plus facile! Cette mission toit nous occupera donc un bon moment! Notre maison ne sera pas réparée cette fois-ci, trop de travail sur les autres (et c'est pas fini!), nous on aura une bâche pour nous couvrir en attendant la prochaine lune. Ah oui, pourquoi la prochaine lune, pour l'histoire de l'influence de la lune sur les fluides de la terre commme les marées par exemple. Du coup, ça ferait pareil avec la sève des arbres qui, en pleine lune, seraient donc plus résistants dans le temps.
On a donc goûté le jus d'asaï, ça n'a rien d'exceptionnel en bouche mais ça a une jolie couleur de vin! Ah le vin... ça nous manque... heureusement l'Argentine arrive!
On dédie nos soirées aux jeux! En général on joue avec Ivo et Norina, il arrive parfois qu'Uschi se joigne à nous. De temps à autre on joue au Skat avec Maurus! C'est vraiment cool comme ambiance, et ils ont pleins de jeux différents!
Picacho, un jour sans lune
Le stock de feuilles est terminé, le moment de les ramasser est passé alors on se lance dans la reconstruction d'une clotûre pour faire un enclos pour les lapins! Les lapins sont actuellement dans des petites cages, et si on fait l'enclos ce n'est pas spécialement pour eux mais pour les poules! Oui parce que là où il y a une poule, il n'y a plus rien, plus d'herbe, plus de fruits, plus de fourmis, plus de rangement, rien. Mais les poules ne couvent pas leurs oeufs si elles sont enfermées dans un poulailler parce qu'elle dépriment... On laisse donc les poules en liberté et on enferme les autres! Dans l'enclos on va aussi semer un joli petit pasto et du sorgho! Cette clotûre va nous occuper un bon moment! Les poteaux sont bien lourds, les bouts de bois qu'on utilise pour renforcer la partie basse de la cloture contre les trous des lapins dans le sol et contre les trous de poules au dessus du sol sont bien lourds aussi! Mais en partant on laissera un enclos fini et presque joli!
Picacho, un jour de pluie
Il pleut. Uchi et Maurus ne sont pas là, le vent a tellement bien soufflé qu'il a enlevé la bâche de notre toit et la pluie s'invite dans tous les coins! Les canards sont heureux, Ivo et moi on s'attaque au problème de notre toit (l'eau trempe littéralement notre lit) et après avoir remis la bâche et pris une douche, on s'installe tranquillement dans la cuisine avec un thé et un jeu de cartes! Il pleut, tout le monde est heureux! On va éplucher des cacahuètes pour faire du beurre avec, regarder un film et l'eau monter dans la cour pour finir par faire une mare géante sur laquelle les canards se lancent et glissent! Ils pleut, les bébés canards se noient et leur mère s'en fout, Maurus va donc, armé d'un parapluie, au secours des petits pas encore étanches! Il pleut, le test de la réparation des toitures est concluant pour la cuisine, pas trop pour le garage et bon pour la petite maison d'Uschi! Il pleut, les plantes vont pousser, les nappes d'eaux vont se remplir et le fleuve peut-être aussi suffisemment pour que le bateau d'Ivo arrive enfin! Oui parce que chaque semaine depuis notre arrivée le bateau doit passer et puis finalement non. La dernière fois, le bateau est sorti mais n'est pas arrivé jusqu'à notre village parce que le fleuve est trop bas... La fin de la saison sèche s'annonce et tout le monde est content, il pleut!
Picacho, un jour de sortie
Aujourd'hui, on doit aller à San Simon pour l'anniversaire de Sarita! Des amis/clients de Picacho en ont profité pour nous inviter à déjeuner chez eux. Ils travaillent de l'extraction de l'or, ils ont un moulin et broient les gravas sortis par les mineurs, et ils veulent nous apprendre comment ça marche! Et nous on est enchanté bien sur! Alors on part tous, la veille au soir on a attrapé des poules, des coqs et quelques canards pour les vendre sur le chemin ou à San Simon. On a aussi récupéré tous les oeufs, quelques fruits, bref, tout ce qui est vendable! La camionnette est pleine à craquer, on va tous à San Simon et c'est pas tous les jours! On a tous sorti les habits du dimanche, Ivo a un jean, Norina un peu de maquillage, Aurore une jolie chemise et moi un pantalon pas troué! On va en "vill(ag)e"!
On commence par aller voir nos chercheurs d'or! Ca vous dit un petit mot sur l'or? Vous avez pas le choix de toute façons ou alors faut sauter le paragraphe!
Alors voilà, dans la région la recherche d'or se fait en cooperatives, l'état bolivien a interdit les entreprises, et seuls les cooperatives de boliviens peuvent extraire l'or sur ce territoire-là (à d'autres endroits ça fonctionne pareil, le seul truc c'est que parfois il y a quand même de grosses entreprises qui exploitent les meilleurs gisements... et ça en théorie ça devrait pas être possible d'après ce qu'on a compris). Donc le principe c'est qu'un groupe d'hommes forme une coopérative, monte un campement, demande l'autorisation d'extraction à l'endroit où ils veulent faire creuser un tunnel, sorte les cailloux, fasse broyer les cailloux et extraire l'or par des moulins puis fasse les comptes.
On détaillera le fonctionnement des coopératives et du travail à l'intérieur des mines à Potosí. Aujourd'hui on va plutôt s'intéresser à l'extraction de l'or. Il y a environ 6 moulins en fonctionnement dans la région : 2 plutôt importants et 4 petits. Celui qu'on visite est le second plus important et dispose d'un camion-benne à disposition pour les mineurs qui n'en ont pas. Basiquement ce qu'il se passe c'est que les mineurs remplissent le camion, ensuite un travailleur du moulin et un travailleur de la mine vont au moulin, déchargent le camion et passent les gravas dans le moulins.
Le moulin broie l'ensemble en sable, le sable se mélange à de l'eau et passe ensuite sur un tapis avec plusieurs espaces spécifiques (une petite cuvette, des bords plus haut, des pics au milieu du tapis). Chaque espace spécifique contient du mercure qui attrape l'or et laisse partir le sable. A la fin de la cargaison il récupèrent le mélange mercure/or qu'ils pèsent ensemble. 40% du poids est dû au mercure, le reste c'est de l'or. Plus tard le moulin se chargera de séparer l'or du mercure en laboratoire. Le principe est assez simple, le mercure a une température de fusion inférieure à l'or, ils chauffent donc l'ensemble jusqu'à la température de fusion du mercure, l'or reste dans son compartiement et le mercure coule dans un autre (sous forme liquide ou de gaz ça on est plus très sures).Ce qui est certain c'est qu'ensuite ils le récupèrent sous forme liquide et peuvent le réutiliser. A priori il y a peu de perte de mercure dans l'environnement puisqu'ils pèsent le mercure avant de l'utiliser et après et il doit y avoir le même poids. Le moulin garde 8g d'or pour le travail effectué de broyage et séparation. En moyenne les cargaisons sortent une vingtaine de grammes. Il arrive qu'il n'y ait rien et il arrive qu'il y ait beaucoup beaucoup plus (200g). Le gramme vaut 280 bolivianos soit 25€ environ. Les mineurs sont souvent 4 par tunnel et sortent moins d'un camion par jour (peut-être 2/3 par semaine). Le salaire moyen d'un bolivien se situe entre 1000 et 1500 bolivianos, soit 90 - 140 euros et on a déjà vu moins. On comprend donc tout de suite que chercher de l'or en tente plus d'un!
Les conditions de recherche d'or là où on était sont assez surprenantes, voire carrément ultra dangereuses! Le tunnel descend droit dans le sol, il faut y entrer avec une corde... Le wagon qui sert à extraire la roche est un tonneau en métal coupé en 2 fixé à 4 roues en fer ou en bois selon. Ensuite les campements sont plus que basiques, les petits moulins se trouvent tout près de la zone des tunnels, sont à peine abrités par une bache trouée de la pluie et du soleil. Et les gars soulèvent les cailloux pour les faire passer dans le moulin toute la journée. En comparaison le campement qu'on a visité, avec le moulin (2nd plus important) c'etait du luxe! Un vrai toit en tôle au dessus du moulin, des baraques plutot bien construites et bien tenues, un petit laboratoire (bon faut pas vous imaginer les paillasses en carelage blanc avec hote de protection hein...) bien fait.
La recheche d'or dans les rivières est libre partout s'il ne s'agit pas d'un camion qui vient creuser mais de particuliers qui viennent avec leur pêle et leur casserole.Moi je vous le dit, on est dans le far west!
La visite s'achève, on part pour l'anniversaire de Sarita, au menu barbeuque! Et la viande est bonne! Sarita arrivera le lendemain pour recevoir son cadeau spécial Picacho : jeux à volonté, préparation de crème au chocolat, plongeon dans la laguna, soirée pizza et j'en passe! Le week-end n'aura rien de reposant ;-)
Picacho, un jour de vaches
Uschi et Maurus ont différents types de vaches. Une partie sont laitières, importées de Suisse, grande noires et blanches ou marrons et plutôt dociles (elles ont toutes un nom, une cloche pour les jeunes et arrivent en courant quand on les appelle. Maurus a quelques taureaux et une vache tous du type de la région, blanches et sauvages (si tu veux les attraper, vas-y à cheval avec un lasso). Depuis peu, ils ont la charge d'un autre type de troupeau. Un propriétaire de 150 têtes (environ) est venu leur demander d'aider Don Gumer (le vaquero, traduisez cow-boy) en charge du troupeau dans la gestion parce que ça va mal. Depuis ce passage, on va régulièrement voir le troupeau. Il est libre, il existe quelques clotures pour éviter que les troupeaux ne se mélangent trop mais dans l'ensemble les vaches s'alimentent seules et parcourent beaucoup de chemins pour trouver ce qu'il leur faut. Donc quand il faut s'occuper du troupeau, on part à cheval, on ramène le troupeau à la propriété où il y a un corral, on les fait entrer dans le corral et ensuite dans un couloir étroit où on peut les regarder de plus près, les vacciner ou les soigner de manière générale si besoin. Ca se fait pas en douceur... mais à force de les ammener au corral elles se sont habituées et rien qu'en 1 mois on a vu la différence, c'est de plus en plus facile de les faire passer dans le couloir!
On a donc traité les vaches, les plus faibles ont été numérotées au fer rouge pour suivre leur évolution et voir si le traitement a été efficace. Moi c'est un moment que j'adore quand on va s'occuper des vaches! Au départ on ne faisait que noter, préparer les seringues de médicaments et ouvrir et fermer la porte du couloir avec Aurore. Uschi est la vétérinaire du coin et les garçons étaient dans le corral pour faire avancer les vaches dans le couloir.
Un jour, je suis allée cherché une vache avec Maurus (sa vache en fait) parce que le petit était blessé. On l'a cherché à cheval 3h en plein soleil sans exagérer, c'était dur!
Les vaches de Don Gumer sont des vaches à viande bien sur... il ne va pas traire tous les jours ;-) Alors quelques commandes de viandes sont tombées durant notre séjour. On a assisté à un abattage aux couleurs locales. C'était quelque chose! Le pire c'est tuer l'animal, il est fixé à un poteau et ont lui tire dans la tête au fusil pour qu'il tombe. Ensuite on lui plante un couteau dans le coeur et on récupère le sang qui coule.
Puis vient le travail de découpe / vidage, c'est pas si dur, une fois l'animal mort c'est plus pareil. On enlève la peau et ensuite plusieurs écoles s'affrontent. On travaillait au sol sur des peaux de vache sèches mais souvent ils travaillent debout, soulèvent l'animal avec une poulie et le vide. Au sol c'est un peu plus dur... Donc pour les écoles, soit on commence par débiter les pattes soit on commence par vider l'intérieur. Je ne vais pas vous faire l'affront du détail. Au final les différentes pièces sont suspendues à une poutre puis entassées dans un tonneau et transportées au village pour être vendues et enfin mises au frigo!
Dans la série abattage, on voulait apprendre à tuer une poule avec Aurore, histoire de savoir ce que ça fait de tuer un animal qu'on va manger soi-même. C'est moi qui lui ai coupé la tête sur un bout de bois, c'est assez glauque, mais pareil, une fois mort c'est pas si dur.
Le summum des sorties troupeau c'est quelques jours avant le départ. On devait aller voir les vaches, en soigner quelques unes, marquer et vacciner les nouveaux nés. On n'était pas nombreux (Don Gumer, Maurus, Uschi et moi, Aurore gardait la maison et les 2 autres étaient déjà partis). On a donc tous du entrer dans le champ d'abord pour faire entrer le troupeau dans le corral. Puis je suiis entrée dans le corral pour la première fois pour faire avancer les vaches dans le couloir! J'adore ça! J'adore m'occuper des animaux et jouer aux cowboys! lol ça a bien marché en plus!
Dans le même genre d'expérience, on est allé fumiger (contre les tics dévastatrices) les chevaux d'un ami avec Maurus et Norina et ce genre de travail me plait trop. Bon c'est pas comme je le ferai en France, c'est vraiment brutal, surtout sur les plus jeunes pas du tout domestiqués et complètement fous. On en a attrapé certains au lasso, fixés au poteau et fumigé. Les bêtes s'étranglaient à force de tirer, c'était pas tendre. 2/3 sont tombés aussi... bref. Mais moi ça me plait, pas la manière dont ça se passe avec les plus sauvages, mais le fait de travailler avec eux, c'est juste trop bien. Pour l'anecdote, moi je sais pas faire avec le lasso, Maurus un peu et le voisin un peu mieux, mais dans l'ensemble ça marche pas super! A un moment donné ils m'ont demandé d'attraper une jument puis sont sortis du corral pour faire d'autres choses. J'étais donc toute seule avec mon lasso, mon troupeau et ma petite jumemnt en vue. J'ai même pas essayé un lancer! Je suis allée jusqu'à la jument et je lui ait passé le lasso par la tête et ça a marché! lol Ils étaient sciés les 2 autres! Bon elle était déjà plutôt domestique ça n'aurait jamais marché avec les plus fous, mais c'était drôle.
Picacho, ça sent la fin
Le bateau ne passe toujours pas, Ivo s'est résigné et va partir avec Norina par le prochain bus dimanche matin. On a tué une vache vendredi et Maurus nous a ramené de la cachaça pour fêter leur départ. Ce sera la soirée citron! Le midi c'était pizzas, on avait comme invités Doña Maria et Don Miguel, un couple qui vit dans le monte et produit de tout (fruits, légumes, viandes, lait de chèvre, etc.) ce sont de bons amis et c'est l'anniversaire de Doña Maria. On a tellement manger le midi, que le soir l'appétit n'est pas là. Ce sera donc une soirée citron qu'on inventera en dernière minute!
Au menu : tarte au citron, cachaça mélangée avec du citron, du sucre et de la menthe, peau de citron en décoration de la pièce, parapluie pour décorer les verres en chapeau de citron sur cure-dent et pailles en bambou! La grande classe! Une soirée mémorable pleine de discussions profondes, de verres fort goûtus et bien remplis et de tarte au citron!
Le dimanche est un peu tristoune, on accompagne les 2 suisses jusqu'au bus, le genre de moment merdique où on sait ni quoi dire ni quoi faire. On veut pas qu'ils partent mais au fond on sait que nous aussi on doit partir bientôt... ça sent la fin.
La semaine recommence, on n'est plus que 4 mais on tient le cap! Maurus s'est mis à jeûner et notre nouveau projet c'est le toit de la nouvelle maison de Don Gumer à faire en feuille de motaku (un autre palmier). Le deal c'est d'aider Don Gumer maintenant et lui les aidera pour leurs propres toits. On coupe des feuilles, on plie des feuilles et on les monte sur le toit. Les soirées sont animées par le jeu suisse par excellence, le Jass. Ca ressemble un peu à la belotte (casi igual pero nada que ver) et on joue tous les 4 tous les soirs! C'est cool, on parle aussi beaucoup de plantes!
On prévoyait de partir ce dimanche mais vu l'avancée des travaux du toit de Don Gumer, on décide de rester une semaine de plus. Puis faut bien admettre qu'on est bien là, eux non plus ne veulent pas qu'on parte, bref, on pourrait rester très longtemps à Picacho! Sauf que samedi, les parents de Sarita passent et nous aprrennent qu'Ivo a eu des problèmes la semaine dernière lors d'un contrôle de police sur la route parce qu'il avait dépassé son droit de séjour de 3 mois de 2 mois... Résultat le bus a du l'attendre plus d'1h, les gens n'étaient pas très contents, il a filé 50 bolivianos (tout ce qui lui restait en liquide) pour que le flic le lâche, bref pas joyeux. Nous on n'a pas dépassé les 3 mois, mais ils ne nous ont donné que 60 jours à la frontière et en partant ce dimanche on les dépassera de 2 jours en arrivant à l'immigration. Au vu de la situation d'Ivo, on décide donc de partir par le bus du lendemain et de ne pas rester une semaine de plus.
La décision a été super rapide et le départ aussi. Vraiment glauque, vraiment dur. Le samedi après-midi on a fait nos affaires, fini nos lessives, le ménage, les valises, les cadeaux, les mots d'adieu... Uschi et Maurus ont mis les petits plats dans les grands, beignets de fleurs et vin de pamplemousse au menu. Non on voulait pas partir et si ça c'était pas passé comme ça on serait peut-être jamais parties! ;-)
Fin de la selva, on sent au fond de nous qu'on reviendra, mais quand? Tout ça est tellement incertain qu'on promet rien, qu'on se promet rien. Demain avalera tout ça comme un rien et la vie reprendra son cours.